Le galuchat : la perle rare du monde
de la maroquinerie

En tant qu’artisane du cuir, j’ai la chance de travailler avec des matières exceptionnelles, dont le galuchat. Aussi appelé “cuir de raie”, cette matière est connue pour sa texture unique et sa résistance hors norme. Dans cet article, je vais vous présenter cette matière d’exception. Pourquoi elle est si prisée dans le monde de la maroquinerie et de la bijouterie ?

Qu’est-ce que le cuir de galuchat ?

Le cuir de galuchat est une matière unique issue de la peau de certains requins ou de raies. Consommées avant tout pour leur viande. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’un cuir ! A proprement parler c’est une peau cartilagineuse.

Le cuir de Galuchat peut provenir de différentes espèces :

• Galuchat à petits grains : la roussette, le chien de mer ou encore le requin du Groenland.
• Galuchat à gros grains: la raie pastenague, exclusivement pêchée dans l’Indopacifique.

La texture unique du cuir de galuchat est due à sa peau perlée d’écailles placoïdes, composées d’émail et de dentine. Celles-ci forment de petits boutons durs et lisses qui créent des motifs réguliers. Cela rappel la texture des petits cailloux lisses que l’on peut trouver sur une plage. Elle est aussi reconnaissable avec ses 3 perles blanches que l’on nomme aussi “couronne”. C’est cette particularité qui fait du cuir de galuchat une matière d’exception pour des créations uniques.

L’histoire du galuchat

Le galuchat est un matériau qui a une longue histoire dans l’industrie de la mode et de l’artisanat.

• Les débuts de l’utilisation du galuchat au Japon et en Europe

D’abord utilisé au Japon au VIIIème siècle pour créer des articles de gainerie tels que des boîtes et des fourreaux. Le galuchat n’était pas poncé, son aspect très rugueux offrait une prise en main solide.

Aujourd’hui, il est toujours utilisé au Japon pour une tout autre utilisation : les râpes à Wasabi ! En effet, le galuchat est le matériau parfait pour râper le wasabi ! Cette pâte verte très épicée servie avec les sushis.

En Europe, les premières traces d’utilisation avérées remontent au XVIe siècle. Pierre Belon affirme que l’on couvrait ainsi les poignées de dagues et des épées.

De même, lors d’un voyage aux Pays-Bas entre 1520 et 1521, le graveur allemand Albrecht Dürer note dans ses comptes : Achat d’objets divers “couverts de poissons” venant des « Indes ».
Ces poissons se pêchaient dans la mer Rouge, l’Océan Indien et la mer de Chine. C’est la raison pour laquelle le galuchat est quelquefois appelé requin de Chine.

Au XVIème siècle, il a été importé en Europe depuis les comptoirs des Indes sous les noms de “requin de Chine” ou “chien de mer”. Seuls les tanneurs anglais avaient alors les compétences et les ressources nécessaires pour transformer ces peaux en cuir.

En France, le premier à travailler le requin de Chine fut Jean-Baptiste Courtois. Il a compris l’importance de limer les écailles, mais toutes ses tentatives pour teindre, assouplir ou découper la peau ont échoué.

Cette “peau de chien (de mer)” a ensuite été travaillée à Paris dans le Faubourg Saint Antoine près de la Bastille.

Anecdote populaire

Pour l’anecdote, la chanson “Nini peau d’chien” d’Aristide Bruant doit son nom à une jeune fille “Nini” du quartier de la Bastille à Paris. Elle vendait des peaux de chiens de mer aux ébénistes du coin, en plus de ses charmes. Avant l’invention du papier de verre, les ébénistes utilisaient le galuchat pour poncer le bois en raison de sa rugosité. Cette pratique a inspiré le surnom de Nini Peau d’chien, qui a acquis une certaine renommée grâce à la chanson de Bruant.

• Jean-Claude Galluchat, le maître artisan gainier qui a popularisé la matière

C’est en visitant l’atelier de Courtois que Jean-Claude Galluchat, maître artisan gainier, est tombé sous le charme de cette matière sauvage.

Il a passé sa vie à dompter cette peau sauvage et résistante dans son atelier, quai de l’Horloge sur l’île de la Cité à Paris.

Madame de Pompadour est tombée amoureuse des objets réalisés par Monsieur Galluchat. Elle a acheté de nombreux objets fabriqués à partir de cette matière. Toutes les semaines d’après la rumeur !

Galluchat est devenu si célèbre pour ses créations en peau de poisson que son nom propre est devenu synonyme de la matière elle-même. Une déformation du mot a rapidement fait disparaître un “l” du nom d’origine “galluchat”.

• La popularité fluctuante du galuchat dans l’histoire

Après avoir connu des périodes de succès et d’oubli, le galuchat est revenu à la mode dans les années 1930, notamment dans le mouvement artistique de l’Art Déco.

Des designers tels que Paul Iribe, Clément Rousseau, Adolphe Chanaux, André Groult et Jacques-Emile Ruhlmann ont utilisé le galuchat pour créer des meubles et des objets de décoration au style élégant et raffiné.

Cependant, après cette période de popularité, le galuchat est retombé dans l’oubli. Ce n’est que depuis 1985 que ce matériau a connu un regain d’intérêt dans l’ameublement, la maroquinerie et la gainerie.

Pourquoi choisir le cuir de galuchat ?

Le cuir de galuchat présente de nombreux avantages par rapport aux autres matières utilisées en maroquinerie et en bijouterie. Tout d’abord, sa texture unique en fait un matériau très esthétique, qui donne immédiatement du cachet à une création. De plus, sa résistance est exceptionnelle : il est très difficile de rayer ou d’abîmer du galuchat. C’est donc une matière de choix pour des créations destinées à être portées régulièrement.

Comment travailler le cuir de galuchat ?

Travailler le galuchat demande un savoir-faire particulier, dû à sa texture particulière.

En effet, il ne peut pas être coupé avec un cutter ou une paire de ciseaux classique. Il faut utiliser des outils spécifiques, comme des lames de rasoir ou des couteaux japonais, pour découper le cuir en respectant les motifs réguliers.

Personnellement, j’utilise des lames dédiées en combinaison avec mes outils habituels pour obtenir une coupe précise.

De même, il est difficile de le coudre : il est préférable d’utiliser des techniques de collage, qui permettent de maintenir les différentes parties en place sans altérer la texture.

Le cuir de galuchat, une matière upcyclé

Si le cuir de galuchat est une matière d’exception, il est aussi assez coûteux à se procurer.

Pour ma part, j’achète plutôt des chutes d’autres artisans que j’upcycle. Cela me permet de créer des bijoux uniques à partir de matériaux déjà existants, tout en évitant le gaspillage.

Il est important de souligner que ce cuir provient principalement de raies et de requins qui sont consommés avant tout pour leur viande. Ce qui en fait une matière durable et éthique pour ceux qui souhaitent utiliser ce cuir.

Des créations uniques grâce au cuir de galuchat

Le cuir de galuchat est une matière qui offre de nombreuses possibilités créatives. Pour ma part, j’en fait généralement des bijoux : manchettes, bracelets, boucles d’oreilles… J’aime jouer avec les couleurs, avec des cuirs dans des tons vifs ou plus sobres, pour des créations qui s’adaptent à tous les styles. Chaque pièce est unique, car la texture du galuchat varie d’une peau à l’autre, ce qui rend chaque bijou différent.

Choisissez des créations en cuir de galuchat !

Si vous cherchez des créations uniques et durables, je ne peux que vous conseiller de vous tourner vers des produits en cuir de galuchat. Cette matière d’exception offre une texture unique, une résistance hors norme et une esthétique incomparable.

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